Trump élu président. « America great again »?
Serge Halimi, journaliste au Monde Diplomatique, avait pressenti l’issue du scrutin dans un article paru en Octobre 2016. Il nous explique très bien les tensions électorales en jeu lors de ce suffrage:
Au fil des ans, le Parti démocrate est devenu l’instrument des classes moyennes et supérieures diplômées. En affichant les symboles de sa « diversité », il a recueilli néanmoins une majorité écrasante de suffrages noirs et hispaniques ; en s’appuyant sur les syndicats, il a conservé une base électorale ouvrière. Pourtant, sa vision du progrès a cessé d’être égalitaire. Tantôt individualiste et paternaliste (la recommandation de faire plus d’efforts), tantôt méritocratique (la recommandation de faire plus d’études), elle n’offre aucune perspective à l’Amérique « périphérique » qui, loin des côtes, reste à l’écart de la prospérité des grandes métropoles mondiales, du ruissellement des fortunes de Wall Street et de la Silicon Valley. Et qui voit disparaître les emplois industriels ayant servi d’ossature à une classe moyenne peu diplômée mais relativement confiante en son avenir.
À celle-ci et aux « petits Blancs » pauvres, le Parti républicain d’avant Trump n’avait guère à offrir non plus. Son objectif central était en effet de réduire les impôts des milieux d’affaires, de leur permettre d’exporter et d’investir à l’étranger. Toutefois, en parlant de patrie, de religion, de moralité aux ouvriers et aux prolétaires blancs, en surjouant la persécution de l’Amérique profonde par des minorités assistées et des intellectuels pleins de morgue, les conservateurs se sont longtemps assurés que les victimes désignées de leur politique économique et commerciale continueraient à leur servir de chair à canon électorale.
Or la popularité de M. Trump auprès d’eux tient à d’autres ressorts. Le promoteur new-yorkais ne leur parle pas d’abord de Bible et de port d’arme, mais d’industries à défendre, d’accords commerciaux à dénoncer. Mme Clinton n’a pas forcément reconquis l’affection de ces électeurs en colère en installant la majorité d’entre eux dans un « panier de gens déplorables » composé de « racistes, sexistes, homophobes, xénophobes, islamophobes ». Ce diagnostic psychologique à grande échelle fut établi lors d’une levée de fonds à New York devant un « panier de gens » forcément admirables, eux, puisqu’ils avaient payé cher pour l’entendre.
-> L’article complet est à lire ICI.
Désormais élu, quel avenir Trump réservera-t-il à son peuple? Quelles seront ses relations à l’international? De nombreuses questions restent en suspens, à l’image de ses discours, pétris de contradictions.
Quoi qu’il en soit, les peuples qui subissent les dégâts causés par un libéralisme à outrance ont exprimé – en pleine conscience ou inconsciemment – leur désaccord envers cette politique économique. Et ce n’est peut être pas un hasard si les premiers à avoir poussé un coup de gueule sont les pays anglo-saxons: Brexit d’un côté, puis États-Unis désormais. Ils sont allé plus loin encore que les autres dans les excès et la démesure libérale. Pas étonnant donc que les déclassés de ces pays expriment dans leur vote un mécontentement à l’égard de leurs politiques. Le FMI, à la suite de ces élections, estime lui-même qu’il faut repenser la mondialisation pour en limiter ses effets négatifs. C’est dire!
En Europe, il ne faut pas non plus oublier les cas Syriza en Grèce et le parti Podemos en Espagne, qui ont pris pied dans les politiques respectives de leurs pays à la suite de cures d’austérité drastiques. Ainsi que la percée du FPÖ (Parti de la liberté d’Autriche), parti politique nationaliste, aux élections présidentielles autrichiennes de 2016.